Blocs mini-invasifs
Cercle d'experts avec le Dr Dr Dr Oliver Blume M.Sc., Prof. Dr Dr Ralf Smeets, Dr Benno Buchbinder et le Dr Michael Back M.Sc.
Pas de deuxième intervention, adaptation parfaite, simplicité du procédé – les avantages des blocs osseux allogènes individualisés convainquent de plus en plus d'implantologues et de patients. Les experts discutent de l'existence ou non d'une nouvelle référence absolue.
Première publication : Deutscher Ärzteverlag, DENTAL MAGAZIN Sonderdruck DM 1/2018, p. 6–20
L'acceptation des blocs osseux allogènes individualisés augmente clairement. Quand sont-ils indiqués ?
SMEETS : Cela dépend de plusieurs facteurs. L'épaisseur des tissus mous, leur mobilisation, les soins postopératoires et les facteurs de risque cliniques comme le tabagisme jouent un rôle décisif. L'adaptation précise, la localisation du défaut ainsi que les limitations biologiques et cliniques y contribuent également.
Qu'est-ce que cela signifie en pratique ?
BUCHBINDER : Commençons par la précision de l'adaptation : la qualité de la planification individuelle dépend toujours des données sur lesquelles elle est basée. Les conditions préalables sont une délimitation claire entre les tissus durs et les tissus mous et une surface homogène du défaut. Il faut donc s'attendre à des difficultés d'adaptation en cas de défauts relativement frais avec tissus en cours de cicatrisation (faible degré de minéralisation) et surfaces fissurées. Le bloc osseux a également besoin d'un lit receveur vital et stable, ce qui fait que des perforations plus importantes dans le maxillaire, notamment vers le sinus maxillaire, peuvent engendrer des problèmes.
Maintenant, en ce qui concerne les limitations biologiques et cliniques, l'expérience du chirurgien traitant joue un grand rôle à cause des modifications des dimensions attendues au niveau de la crête alvéolaire. Tandis qu'en cas de défaut horizontal, un élargissement de 5-6 mm est généralement amplement suffisant pour obtenir un site implantaire suffisant, un défaut vertical exige beaucoup de doigté : la plupart des utilisateurs maitrisent jusqu'à 3 mm en verticale d'une manière relativement prédictible. De plus, ainsi qu'évoqué par le Prof. Smeets, l'épaisseur des tissus mous et leur mobilisation, les soins postopératoires et les facteurs de risque comme le tabagisme jouent également un rôle décisif.
Est-ce que je vous comprends bien : un lit receveur vital est obligatoire ?
BUCHBINDER : Un lit receveur vital facilite beaucoup de choses, mais ne peut pas toujours être réalisé. En fonction du fabricant et selon le mode d'emploi et l'information professionnelle, des sites receveurs moins bien irrigués représentent soit une contre-indication ou exigent une évaluation soigneuse de la nécessité de l'utilisation par le chirurgien.
SMEETS : Mon concept est un forage monocortical de l'os pour le rafraichir. Ceci n'est pas clairement prouvé dans la littérature, mais très fructueux en pratique.
Est-ce valable pour l'os autologue et l'os allogène ?
SMEETS : Il n'y a pas d'étude applicable à ce sujet.
BUCHBINDER : Les deux variantes ont toutes deux des partisans de la perforation du site receveur et des adversaires. Je ne vois toutefois pas de désavantage dans le maxillaire inférieur postérieur en cas d'os cortical très épais, tandis que l'on peut généralement y renoncer dans la mâchoire supérieure.
Dr Blume, Dr Back – dans votre cabinet, vous misez depuis cinq ans sur des augmentations avec des blocs osseux allogènes préfabriqués. Pourquoi ?
BLUME : La plupart de nos patients refusent l'os autogène entretemps et optent pour des blocs allogènes préfabriqués après l'information sur les différentes alternatives. Le fait que ces blocs sont parfaitement adaptés au défaut osseux – comme une clé dans la serrure – convainc. Il n'y a plus d'espace mort, de fente entre l'os transplanté et l'os en place. La durée de l'intervention est courte, le traumatisme faible et la stabilité du volume très élevée. Par contre, l'os autogène ne peut pas être fraisé pour un ajustement précis, il n'existe pas de procédure opératoire correspondante.
Concrètement, comment procédez-vous ?
BACK : Nous travaillons avec notre propre TVN. Nous réalisons une image du défaut osseux, discutons de la situation avec le patient et nous lui expliquons toutes les alternatives thérapeutiques, du bloc osseux allogène aux procédures ostéoplastiques comme le bone splitting. Si le patient opte pour une augmentation par blocs allogènes usinés par CAO/CFAO, nous envoyons les données DICOM générées à l'entreprise qui livre cette technologie, Botiss ou Zimmer Dental dans notre cas. Elle conçoit le bloc osseux tridimensionnel.
Combien de temps est-ce que cela prend ?
BLUME : Sept jours environ. Après réception des données, nous contrôlons la précision de l'adaptation avec le patient avant de commander le bloc allogène usiné individuellement qui est livré au cabinet après quatre à six semaines. Ce n'est qu'à partir de ce moment que ceci devient payant pour le patient.
Quelles sont les indications principales ?
BLUME : Nous nous concentrons sur des indications compliquées : dents antérieures, région postérieure difficile dans la mâchoire supérieure, région postérieure difficile dans la mâchoire inférieure.
Quel est le plus grand défi ?
BACK : L'incision, comme toujours. La première année, nous avons eu quelques déhiscences, probablement à cause de l'importante augmentation du volume liée à cette greffe. Nous sommes donc passés de l'incision typique, qui suit la crête alvéolaire, à une incision avec deux incisions verticales vestibulaires reliées ensuite par une incision horizontale située au fond du vestibule.
BLUME : L'incision fait penser au socle d'un pilier, c'est pourquoi nous l'avons appelée « Pillar Incision ». Le lambeau complet de la mâchoire supérieure est alors préparé vers palatinal. L'incision est légèrement différente dans la mâchoire inférieure, mais également strictement paramarginale. L'important est de ne pas toucher les dents en place, afin de ne pas risquer de déhiscence. Le problème des déhiscences a pratiquement disparu depuis que nous avons développé ces deux incisions.
À quoi faut-il faire particulièrement attention lors de l'utilisation de matériaux allogènes ? Quelles sont les différences par rapport à l'os autogène ? BUCHBINDER : Lorsqu'il s'agit d'augmentations dépassant les limites précitées, il faut toujours en évaluer les risques et éventuellement privilégier quand même l'os autologue. L'utilisation des membranes barrières est un facteur clé. Au cours de la phase de cicatrisation initiale, les allogreffes acellulaires et les autres matériaux de substitution osseuse doivent être protégés des fibroblastes qui prolifèrent rapidement, afin d'empêcher une séparation des matériaux par du tissu conjonctif. (Prise de position scientifique de la DGZMK.)
Et ceci n'est pas le cas avec de l'os autogène ?
BUCHBINDER : Non, lorsqu'il s'agit de greffons autologues, une partie des cellules est greffée vivante et doit être approvisionnée le plus rapidement possible en éléments nutritifs par des vaisseaux nouvellement formés : la néoangiogenèse. Une membrane barrière représenterait donc plutôt un obstacle.
Quelles sont les autres caractéristiques distinctives ?
BLUME : En raison des divers traitements préparatoires (déshydratation, dégraissage, décellularisation), le bloc osseux allogène ne présente plus guère d'éléments osseux naturels excepté le calcium, le phosphore et le collagène. Son avantage est l'absence d'adipocytes qui ne peuvent donc pas s'infecter.
Ceci veut donc dire que le bloc osseux allogène n'a pas de valeur biologique.
BLUME : C'est juste comparé à l'os autologue. Mais la valeur biologique des matériaux autologues est néanmoins encore toujours nettement supérieure à celle des matériaux xénogéniques ou alloplastiques.
C'est-à-dire ?
BUCHBINDER : À long terme, les allogreffes peuvent être remplacés par de l'os endogène vivant via les processus de remodelage normaux, tandis que des complexes de régénération céramo-osseux, qui peuvent demeurer stables à long terme même sans charge mécanique, sont créés avec les matériaux bovins et xénogéniques. S'il est donc prévisible que la zone augmentée ne sera pas mise en charge mécaniquement, il faut privilégier les matériaux bovins, puisqu'ils ne subissent pas de processus de résorption et assurent donc une très bonne stabilité à long terme (Riachi et coll. 2012/Lorean et coll. 2014).
BLUME : De nombreux matériaux de substitution osseuse de toutes origines, d'origine bovine à ceux à base d'algues, ne sont pas seulement déshydratés, dégraissés et décellularisés comme les allogreffes, mais subissent aussi un traitement thermique et sont donc brûlés dans un haut-fourneau jusqu'à 1350 °C. Ce n'est qu'après cela que l'os de bovin initial devient une structure en phosphate de calcium.
De l'hydroxyapatite donc...
BLUME : Exactement et celle-ci ne subit pratiquement pas de résorption.
Il subsiste donc en principe comme un corps étranger ?
BLUME: On pourrait effectivement le dire ainsi. Par contre, le bloc osseux allogène est entièrement transformé en os endogène. Il s'agit d'une transformation et non d'une insertion. Ce faisant, le bloc osseux allogène conserve néanmoins un volume très stable au cours de la phase de cicatrisation.
Mais presque tous les matériaux de substitution osseuse permettent de conserver le volume ?
BLUME : Oui, mais les blocs osseux ne sont pas des granulés. Et c'est là leur avantage décisif, notamment dans les régions où nous voulons absolument conserver la hauteur verticale, par exemple au niveau de la partie antérieure du maxillaire supérieur. En plus des résorptions, les matériaux particulaires peuvent aussi s'affaisser et perdre ainsi leur volume.
Est-ce également valable pour BioOss par exemple ?
BLUME : Ceci est valable pour tous les matériaux sous forme de particules, en hydroxyapatite ou en phosphate tricalcique.
En cas de charge mécanique, privilégiez-vous les blocs autologues ou allogènes ?
SMEETS : Les blocs allogènes, principalement à cause de leurs propriétés mécaniques. Les corps moulés ne se brisent pas facilement et peuvent être plus facilement adaptés. Ils permettent de confectionner des géométries les plus diverses, au fauteuil ou déjà dans la banque de tissus, qui peuvent être mises en place chez le patient sans grand risque de fracture.
Les déhiscences de plaie avec absence de régénération osseuse entrainent souvent la perte de l'augmentation – avec les blocs osseux allogènes aussi ?
BLUME : D'après notre expérience, lorsqu'une augmentation avec des blocs allogènes entraine des troubles de la cicatrisation, il y a certes une complication – l'os exposé est infecté et devient nécrotique –, mais l'os non exposé, donc l'os qui est encore recouvert de muqueuse, est généralement conservé. Il est nourri, prend vie et on peut presque toujours procéder à l'implantation lorsque l'on augmente encore peu le volume. Par contre, lorsqu'un bloc autologue est déhiscent, on perd tout et pas seulement l'os exposé.
Est-ce que la Shell technique peut aider ?
SMEETS : Certainement. Je suis un adepte de la Shell technique du Prof Dr Fouad Khoury, qui représente la limite latérale et verticale du défaut et fixe ainsi les limites de l'augmentation. Le Prof Khoury nous a précocement expliqué qu'une augmentation par Shell technique est mieux comblée qu'un bloc autologue. Le principe de la Shell technique est de créer un conteneur biologique laissant suffisamment d'espace libre pour l'incorporation complète des MSO particulaires.
À quoi faut-il faire particulièrement veiller dans la Shell technique ?
SMEETS : À ce que la coque corticale ne soit jamais trop proche de l'implant. Les bords tranchants devraient aussi être soigneusement lissés, par exemple avec une fraise boule diamantée. Il faut également veiller à obtenir une fermeture de la plaie absolument sans aucune tension et étanche à la salive. Le lambeau ne peut jamais « frotter » contre les vis. Comme protection contre les déhiscences, je recommande une membrane issue du péricarde qui devrait être fixée, donc cousue ou fixée avec des pins. Car même des micromouvements provoquent des résorptions.
Mais vous ne travaillez pas avec des plaques autologues comme Khoury...
SMEETS : Non, nous utilisons des plaquettes d'os de donneur préfabriquées. Le procédé, donc la technique, est identique, mais l'opération invasive du prélèvement tombe. Étant donné que nous avons observé des cas où la corticale n'avait pas été entièrement intégrée, nous procédons à une suraugmentation de la largeur de l'os cortical. Après la fixation avec au moins deux vis d'ostéosynthèse, la fente centrale est remplie de granulés allogènes. Le procédé est relativement simple et la morbidité liée au prélèvement est totalement supprimée.
Est-ce que vous misez encore sur du matériau xénogène ou autologue ?
SMEETS : Mais bien sûr, chaque matériau a son indication. Croire qu'un seul matériau pourrait permettre de traiter chaque défaut est naïf. Cela ne fonctionne avec aucun matériau, qu'il soit xénogène, autologue ou allogène. Pour chaque patient, il faut chaque fois décider ce qui lui convient individuellement. L'indication dépend toujours de nombreux facteurs :
- Quelle est la distance verticale dont je dispose avec l'élévation sinusale ? Quelle est la quantité d'os résiduel ?
- Si j'ai 7 à 10 mm, je ne procède pas à une élévation, mais je place des implants courts; si j'ai 3 à 6 mm, je me décide pour une élévation du plancher sinusal avec mise en place simultanée des implants.
- Lorsqu'il ne me reste que 3 mm de masse osseuse, je plaide pour une élévation externe et une implantation secondaire. Non seulement le choix du matériau, mais aussi le concept et la technique sont des éléments multifactoriels.
Il n'y a pas de réponse générale ?
SMEETS : Non, ce qui est d'ailleurs illustré par une revue de 136 études sur l'élévation du plancher sinusal avec MSO autologue, allogène, xénogène et alloplastique de Danesh-Sani en 2017. Cette analyse complète de la littérature sur ce sujet a montré que :
- l'os autologue produit la plus importante régénération osseuse après une durée de cicatrisation inférieure à 4,5 mois,
- il n'y a pas de différence entre 4,5 et neuf mois,
- le MSO allogène produit la plus importante régénération osseuse après plus de neuf mois.
Quand plaideriez-vous pour des meshes en titane par exemple ? Quel est le rôle joué par la taille du défaut ?
BACK : Nous utilisons par exemple des meshes en titane préfabriqués uniquement en cas de défauts verticaux gérables. Jusqu'à présent, nous avons opéré douze cas avec des grilles en titane préfabriquées. Les grilles sont moins chères que les blocs allogènes, mais ne peuvent plus être modifiées après leur usinage, ce qui peut être désavantageux.
Quel est le problème ?
BACK : Si nous avons une résorption dès la phase de cicatrisation, celle-ci ne pourra plus être corrigée. Mais nous n'avons pas encore observé ce problème jusqu'à ce jour. Une possible résorption peut être mieux planifiée en prévoyant une suraugmentation, qui pourrait être corrigée, lors de l'insertion de blocs osseux allogènes.
Comment est-ce que cela fonctionne ?
BACK : Lors de la conception du bloc osseux allogène, nous prenons directement en compte la résorption attendue et nous modelons l'augmentation pendant l'intervention, au moment de sa mise en place. Ceci n'est pas possible avec un mesh en titane. Il faut le mettre en place tel quel. Tout va bien lorsque la cicatrisation se déroule sans problème : le volume sous la grille en titane est conservé et crée un bon lit implantaire. Mais nous préférons quand même le bloc osseux allogène en cas de défaut plus important. Le fait de ne pas pouvoir remodeler la grille en titane représente certainement un désavantage.
SMEETS : La gestion des tissus mous est également difficile. Je recommande avec insistance de placer une membrane collagène sur le mesh en titane.
BUCHBINDER : En cas de situations osseuses non homogènes et difficilement délimitables, les meshes offrent toutefois des avantages clairs par rapport aux plasties d'augmentation, car ils peuvent être construits indépendamment de l'état de la surface du défaut, uniquement sur la base du contour désiré de la mâchoire. Cela facilite nettement la planification. Par contre, la nécessité du retrait et le taux élevé d'exposition avec une moyenne de 30 pour cent indiquée dans différentes sources sont des aspects négatifs.
Un taux d'exposition de 30 pour cent, mais c'est énorme ! Comment cela se fait-il ? Et est-ce également valable pour les grilles préfabriquées ? SMEETS : Oui. Et ces taux d'exposition apparaissent aussi chez les opérateurs chevronnés. Je pense que ceci est dû au matériau, ce corps étranger, car la couverture par les tissus mous de cette surface souvent importante est problématique. Nous testons actuellement des grilles en magnésium, afin que les meshes deviennent résorbables et ne puissent plus être extraits.
Venons-en aux anneaux osseux allogéniques : ce qui est chouette pour le patient dans cette technique est que l'implant est directement inclus...
BACK : … et c'est exactement cela qui implique un risque important. Nous n'avons toutefois pas encore une grande expérience dans ce domaine. Je préconise une succession : d'abord l'augmentation, puis l'implantation. Car s'il y a échec de l'anneau osseux – ce qui nous est arrivé –, vous perdez alors directement l'implant au complet.
Le groupe autour du Dr Bernhard Giesenhagen s'engage depuis des années pour la technique des anneaux osseux. Entretemps, le marché offre aussi des anneaux osseux allogéniques préemballés. La technique est considérée comme peu invasive et a de nombreux adeptes. Est-ce qu'elle fonctionne vraiment en pratique ?
SMEETS : Pas en principe. La technique a certainement ses indications et celui qui la maitrise peut obtenir de super résultats, mais il doit pour cela s'y entrainer intensivement. Car la méthode n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air. Pour pouvoir utiliser la technique des anneaux osseux, vous avez besoin de certaines conditions préalables relatives au modelage du lit osseux local. Nous manquons surtout d'études et de données sur les taux de complication et les indications. Et comme pour toutes les méthodes d'augmentation, la gestion des tissus mous est souvent problématique.
Dr Buchbinder, botiss offre les anneaux osseux allogéniques. Est-ce un article qui ne se vend pas ?
BUCHBINDER : Mais non, pas du tout. Cette technique est géniale dans certaines situations, par exemple en cas de défaut purement vertical dans un édentement unitaire ou d'une élévation du plancher sinusal unilatérale avec offre osseuse minimale (1-3 mm). L'utilisation des anneaux osseux allogéniques offre également des options thérapeutiques intéressantes après l'explantation d'implants compromis au niveau péri-implantaire qui doivent être retirés à l'aide d'un trépan avec une décontamination consécutive de la région.
Éviter une greffe osseuse est moins invasif que toutes les augmentations, ce qui est possible avec des implants courts et de diamètre réduit. Est-ce que ceci représente pour vous une option ?
SMEETS : Bien sûr : il faut toujours discuter des dimensions de l'implant. Les implants courts et de diamètre réduit nous ouvrent surtout de nouvelles indications. Un implant avec un diamètre de 2,9 mm par exemple est une solution élégante en cas d'aplasie de la 22. Mais les dimensions réduites des implants ne feront jamais un cas simple d'un cas complexe...
BLUME : ... et ils ne permettent pas toujours d'éviter l'augmentation. Un exemple : les implants courts – de moins de 6 mm – sont clairement contre-indiqués dans la région antérieure. L'absence de hauteur verticale exige des couronnes plus longues – un interdit dans la zone esthétique. Mais le patient doit de principe être informé sur toutes les alternatives à l'augmentation.
BUCHBINDER : La compréhension du rapport optimal implant-longueur de la couronne a fortement évolué ces dernières années. En cas de défauts verticaux importants surtout, on atteint à un moment donné une limite liée à des raisons fonctionnelles ou esthétiques quant à ce qui peut être réalisé sans augmentation. Lorsque les implants ont un diamètre réduit, il ne faut pas seulement tenir compte de la stabilité primaire, mais aussi des modifications de dimension de l'os alvéolaire liées à l'âge. Après la pose d'implants fins, un contourage avec des MSO bovins stables à la résorption pourrait par exemple permettre de stabiliser la fine crête alvéolaire.
Il n'y a guère d'études disponibles sur l'utilisation d'allogreffes, contrairement à la situation pour les implants courts et de diamètre réduit. Il y a aussi de nombreux préjugés. Comment gérez-vous cela ?
BLUME : Il existe déjà plusieurs études portant sur les allogreffes, mais peu seulement en ce qui concerne les allogreffes fabriquées par CAO/CFAO. Nous avons introduit presque 70 blocs osseux au cours des dernières cinq années et nous sommes nous-mêmes étonnés de la stabilité du volume des blocs allogènes, notamment en ce qui concerne la hauteur verticale. Et ceci est aussi un des principaux arguments pour lesquels nous recommandons tellement cette méthode d'augmentation. Les autres matériaux de substitution osseuse n'offrent pas une telle constance au niveau vertical.
Donc même pas l'os autogène ?
SMEETS : Les données disponibles à ce sujet sont malheureusement restreintes. L'étude de Monje et collègues de 2014 sur la greffe osseuse avant implantation dans une mâchoire supérieure atrophiée évaluant 15 travaux avec 361 blocs osseux (suivi postopératoire de 4–9 mois) prouve que les allogreffes sont une alternative fiable à l'os autogène avec faible morbidité au site donneur et faible durée de l'intervention. Nissan et collègues ont montré en 2011 que les allogreffes représentent également une alternative sûre et fiable à l'os autogène pour une greffe osseuse avant implantation dans une mâchoire inférieure atrophiée. De plus, contrairement à l'os autogène, le protocole convient extrêmement bien en pratique et est presque simple. Les données DICOM du défaut sont générées et envoyées au fabricant qui fraise les blocs osseux allogènes sur mesure et les livre au cabinet. Lorsque le collègue respecte les conditions – pas de bords tranchants, la distance correcte par rapport aux dents voisines, l'enfouissement des vis afin d'éviter le frottement avec le tissu mou, l'application correcte du lambeau, le travail avec des membranes –, il n'y a pas grand chose qui peut mal tourner. Il est également important d'utiliser une membrane de collagène pour la couverture et une membrane de fibrine (PRF) pour terminer. L'implantation ne doit pas avoir lieu avant quatre mois au plus tôt. Plus le défaut est important, plus j'attends (six mois à partir de 3-5 mm en verticale dans la MI !). Ceci dépend bien sûr aussi de l'état de santé général : j'attends également plus longtemps chez les fumeurs et les diabétiques.
Y a-t-il encore d'autres études en cours ?
BLUME : Pas que je sache du moins. Nous travaillons en tout cas de manière intensive à la préparation de nos cas. Entretemps, nous disposons aussi d'histologies prometteuses.
Dr Buchbinder, pourquoi est-ce que les études sont lacunaires ?
BUCHBINDER : En raison des obligations règlementaires strictes, il n'existe que peu de produits disponibles en même temps dans de nombreux pays, mais souvent des produits uniquement disponibles localement, ce qui complique la réalisation de grandes études multicentriques et épidémiologiques. D'autre part, les moyens de l'industrie sont souvent limités à cause des frais de production élevés et des faibles excédents financiers. Les banques de tissus fonctionnent de toute façon sans but lucratif et ne sont pas capables d'initier de larges études. À cela s'ajoute le fait que la réussite des opérations plus complexes notamment dépend très fortement des capacités chirurgicales et des préférences de l'opérateur, ce qui fait qu'une comparaison des différentes techniques opératoires ne peut jamais être objective, mais est fortement marquée par la subjectivité. Ceci est d'ailleurs également valable pour les blocs osseux autologues (Motamedian, Khojasteh, Khojasteh, 2016). Les excellents résultats des médecins établis n'apparaissent généralement que comme cas exemplaires ou série de cas, car il est clair que l'expertise et les ressources manquent pour élaborer et réaliser des études à grande échelle. Les universités, par contre, n'atteignent généralement pas le nombre de patients nécessaires et/ou n'ont pas de routine clinique avec les différentes techniques. Une intégration et mise en réseau accrue des universités et des praticiens établis en cabinets privés serait souhaitable pour le futur.
SMEETS : Il existe de nombreuses publications sur les blocs allogènes, mais peu seulement sur les blocs préfabriqués.
Est-ce que cela est lié aux préjugés par rapport aux os de donneurs ? Est-ce qu'il y encore un danger aujourd'hui ?
BUCHBINDER : Il y a longtemps qu'il n'y a plus de danger réel voire de danger prouvé pour le patient lié à la simple utilisation des allogreffes. Les cas isolés de transmission de maladie sont peut-être dus à des méthodes diagnostiques insuffisantes et à l'utilisation de tissus non stérilisés par le passé (Hinsenkamp et coll., 2012). Grâce à la surveillance mondiale des évènements et aux progrès énormes des banques de tissus, on ne peut plus parler que de risque résiduel entretemps, lié par exemple à des maladies encore non décrites. Il n'y a effectivement aucun cas confirmé dans le monde de transmission de maladie par des préparations osseuses traitées chimiquement et irradiées aux rayons gamma telles qu'utilisées en Allemagne. Les rapports sur une éventuelle antigénicité et des complications possibles pouvant en résulter lors de greffes d'organes ultérieures décrivent des cas isolés avec des os fresh-frozen (O’Sullivan, 2016) ou cryoconservés (Mosconi et coll., 2009). Plusieurs préparations sont entretemps enregistrées auprès de la FDA pour une utilisation orthopédique aux États-Unis et combinent même des allogreffes osseuses traitées à des cellules ostéogènes allogènes vivantes isolées du même donneur (p. ex., Vivigen, Life Net Health, Virginia Beach) pour le traitement de fractures de consolidation difficile.
Le patient ne doit donc plus se faire de souci concernant la possibilité d'une transmission de maladies ?
SMEETS : Non, les personnes infectées au cours des années 1970, 80 et 90 l'ont été parce que les méthodes d'examen n'étaient pas encore suffisamment avancées. Aucun incident n'a été enregistré depuis l'introduction du dépistage TAN (test d'acide nucléique). Par exemple, il n'y a eu aucun soupçon d'infection virale ou bactérienne pour les 250 000 greffons allogènes utilisés entre 1994 et 2015 par l'hôpital Charité. Le point crucial ici est que tous ces produits ont été traités, désinfectés et stérilisés. Il faut néanmoins informer le patient d'un risque résiduel théorique.
Dr Blume, Dr Back, comment informez-vous vos patients dans votre cabinet ?
BLUME : Nous utilisons uniquement des allogreffes autorisées en Allemagne selon la loi sur les médicaments. Nous pouvons considérer que ces produits ont subi des tests intensifs et sont sûrs. En tant que clinicien, je ne remets pas cela en cause. Et c'est ce que j'explique aussi à mes patients.
Quelle est la position des allogreffes dans la médecine dentaire au niveau mondial ?
BUCHBINDER : Les allogreffes sont le matériau de substitution osseuse le plus fréquemment utilisé dans de nombreux pays du monde, notamment aux USA. En fonction du pays, les allogreffes dans le domaine dentaire occupent 35-40 pour cent du marché total, tandis que les matériaux alloplastiques ne prennent que 15-20 pour cent du marché environ (Straumann Group 2016 Annual Report). La bonne manipulation, le potentiel de remodelage élevé et la néoformation osseuse plus rapide qu'avec les matériaux bovins et alloplastiques sont particulièrement appréciés chez les allogreffes (Schmitt et coll., 2012).
BLUME : Les allogreffes ont reçu aujourd'hui une toute autre importance en raison de la préfabrication par CAO/CFAO. Ce n'est évidemment pas possible avec l'os autogène. Nous ne pouvons pas placer directement le morceau dans une fraiseuse pendant que le patient est opéré au niveau de la crête iliaque. Actuellement, cela ne fonctionne qu'avec le bloc osseux allogène. Nous remarquons à quel point ceci est attractif à cause des invitations à donner des exposés que nous recevons « des quatre coins du monde ».
SMEETS : Les matériaux allogènes font partie des matériaux standards aux USA. L'Allemagne suivra, j'en suis convaincu. De plus en plus d'études de cas montrent la qualité des matériaux. Leur surface est très poreuse, ils proviennent du corps humain et il n'y a pas de morbidité liée au prélèvement. Les matériaux allogènes sont clairement supérieurs aux alloplastiques, c'est prouvé. De plus, les matériaux d'origine animale sont de plus en plus souvent rejetés. Il faut néanmoins informer le patient sur le risque résiduel.
Au vu de l'évolution actuelle, est-ce que l'os autogène peut encore être considéré comme référence de nos jours ?
BLUME : Non, l'os autogène ne peut plus être considéré comme référence aujourd'hui.
À votre avis, quelle est alors la nouvelle référence ?
BLUME : La seule référence aujourd'hui signifie reconsidérer à chaque fois le concept thérapeutique pour chaque patient et lui expliquer les alternatives.
Synthèse
- L'acceptation des blocs osseux allogènes individualisés augmente. La durée de l'intervention est courte, le traumatisme faible et la stabilité du volume élevée. Par contre, l'os autogène ne peut pas être fraisé pour un ajustement précis, il n'existe pas de procédure opératoire correspondante.
- Il y a longtemps qu'il n'y a plus de danger réel voire de danger prouvé pour le patient lié à la simple utilisation des allogreffes.
- L'adaptation précise, un lit receveur vital et stable et une gestion optimale des tissus mous font partie des critères de réussite des blocs osseux allogènes, mais aussi autologues.
- Un forage monocortical de l'os destiné à le rafraichir peut contribuer à réaliser un lit receveur vital. Cela semble bien fonctionner en pratique, mais il n'y a pas encore d'études à ce sujet.
- Les indications principales pour les blocs allogènes comprennent les défauts importants et compliqués dans la région antérieure et postérieure.
- Les meshes en titane préfabriqués sont également adaptés lorsqu'il s'agit de défauts verticaux gérables. Le taux d'exposition est toutefois très élevé. De plus, les grilles en titane doivent être extraites et les résorptions possibles ne peuvent pas être prises en compte comme avec les blocs allogènes, en prévoyant par exemple par une augmentation pouvant être corrigée ensuite.
- Les implants de dimension réduite représentent souvent une alternative à la greffe osseuse. Mais ils ne feront jamais un cas simple d'un cas complexe et ils ne permettent pas toujours d'éviter l'augmentation.
- À long terme, les allogreffes peuvent être remplacées par de l'os autogène vivant via les processus de remodelage normaux. Par contre, en plus des résorptions, les MSO particulaires peuvent aussi s'affaisser et perdre ainsi leur volume.
- Les allogreffes sont le matériau de substitution osseuse le plus fréquemment utilisé dans de nombreux pays du monde, notamment aux USA.